Dans les déserts médicaux, la situation est telle que certains sont parfois obligés de réinventer des manières de soigner différentes et innovantes. Pragmatisme oblige, c’est ce qu’ont mis en place, dans la Meuse, un médecin et une pharmacienne. Chacun à un bout de leur département, ils effectuent ensemble des téléconsultations, afin que les personnes les plus éloignées du soin, souvent âgées, puissent être prises en charge correctement via la téléconsultation.
Mais ces deux-là ont développé une idée de la téléconsultation particulièrement intéressante ! Juliette Lorrain, la pharmacienne de Montmédy, près de la frontière belge, installe confortement les patients dans le local cosy qu’elle a aménagé à cet effet dans sa pharmacie, effectue le pré-entretien et mesure leurs constantes (elle dispose d’instruments connectés type tensiomètre, oxymètre, thermomètre, stéthoscope). Puis le Dr Jean-Philippe Kern, ex-urgentiste installé comme médecin généraliste téléconsultant à une soixantaine de kilomètres de là, près de la Voie Sacrée, les « reçoit » face de son ordinateur.
Une collaboration fructueuse
Pour faire connaître ce type de collaboration vertueuse au service des patients, ils sont venus tous les deux en voiture depuis la Meuse jusqu’à Montpellier, dans l’Hérault, et ont témoigné lors d’un atelier pratique sur la téléconsultation à l’occasion du Congrès annuel des pharmaciens. Le Dr Kern témoigne : « En 2019 débute E-Meuse Santé, un programme gouvernemental d’investissement pour l’innovation dans les territoires, et on réfléchit à comment télé-consulter dans nos déserts tout en respectant la déontologie », confie ce membre du Conseil de l’Ordre des médecins.
Juliette Lorrain, la pharmacienne, explique, elle, dans quel contexte elle s’est lancée dans l’aventure de la téléconsultation : « Quand je suis arrivée à Montmédy, il y avait quatre médecins donc je n'avais aucune inquiétude. » Puis c'est le départ d’un médecin, l'arrêt d’un deuxième, et finalement le 3 août 2022, le décès brutal d’un troisième. « A ce moment-là, il reste un seul médecin et c’est la panique. Les patients arrivent à la pharmacie, certains en pleurs. Je demande une dérogation pour prolonger les ordonnances, qui est refusée. Alors j’appelle E-Meuse Santé et on fait les premières téléconsultations fin août ! » Le duo se connaît bien : « Je sais où il va aller donc je mâche un peu le travail. Dès qu’il se connecte, il a toutes les infos », glisse-t-elle. Et l'ex-urgentiste de conclure : « Je fais une consultation de 10 minutes mais avec uniquement du médical puisque la préconsultation est faite. Cela optimise le temps, et en plus je retrouve le plaisir de travailler en équipe.»