Depuis les travaux du célèbre épidémiologiste David Barker dans les années 80, une association entre un petit poids de naissance et un surrisque de syndrome métabolique à l’âge adulte (surpoids notamment abdominal, hypertension artérielle, résistance aux effets de l'insuline (insulinorésistance) voire diabète, et des taux de cholestérol et d'autres lipides sanguins anormaux) a formellement été démontrée.
Une explication physiologique
Le fait qu’un individu ait un poids plume à la naissance (qui s’explique par un retard de croissance intra-utérin ou RCIU) l'expose plus tard à un risque accru de surpoids et d’obésité, semble contre-intuitif, mais l’explication physiologique de ce phénomène est, elle, assez limpide : lorsque le fœtus ne reçoit pas tous les nutriments et l’oxygène dont il a besoin pour son développement, une redirection des apports vers les organes prioritaires tels que le cerveau se produit, au détriment de structures d’importance moindre pour la survie telles que l’hypothalamus, qui se trouve être impliqué dans les voies de régulation de l’appétit, et le pancréas, qui sécrète l’insuline. L'insuline est l'hormone qui régule le taux de sucre dans le sang.
Ce que Laure Simon, médecin en néonatologie au CHU de Nantes, résume ainsi de manière synthétique : « Le bébé de petit poids, qui ne recevait pas assez de sang in utero, est programmé pour capter toutes les calories qui passent. » Plus tard donc, à l’adolescence par exemple, cet ex-poids plume aura donc logiquement tendance à stocker et à grossir, d’autant plus qu’un bon équilibre alimentaire n’est pas respecté.
Une situation que le Pr Olivier Claris décrivait ainsi dans un Bulletin de l’Académie de Médecine en 2017 : « Du fait d’un environnement fœtal perturbé à un moment critique du développement, une reprogrammation métabolique est induite, base de l’origine fœtale des maladies de l’adulte ».
Une distinction à faire selon l'origine du petit poids de naissance
Mais en est-il de même pour les prématurés ? C’est ce qu’ont voulu élucider Laure Simon et ses collègues à travers une étude parue en 2023 dans BMJ Paediatrics portant sur les cohortes de prémas Lift, Epipage 2 et Epipageado. « C’est compliqué car une confusion existe dans la littérature. En particulier chez les Américains qui, lorsqu’ils parlent de petit poids de naissance, ne font pas la différence entre RCIU et prématurité. Or, on peut faire 1,5 kilo parce qu’on est né trop petit, ou parce qu’on est né trop tôt ! Notre étude essaie de faire la part des choses et confirme, dans ces trois cohortes, que les prémas n’ont pas plus de risque de surpoids à 15 ans que les bébés nés à terme », note Laure Simon.
En revanche, elle insiste sur un enseignement majeur apporté par cette étude française : « La croissance des prémas pendant l’hospitalisation et sur la période entre 0 et 2 ans est déterminante pour le risque de surpoids à 5 ou 15 ans ». En d’autres termes, les ex-prémas « obèses à 5 ou 15 ans avaient déjà une trajectoire de croissance avec un IMC élevé à 2 ans qui aurait pu être repéré ».
L’enjeu en néonatologie est en effet que les enfants prennent du poids mais aussi qu’ils fabriquent de la masse maigre plutôt que de la masse grasse. Il se trouve que la croissance en taille est un bon indicateur pour surveiller l’acquisition de la première. « Chez les enfants qui ne grandissent pas bien en taille pendant l’hospitalisation, on sait que la masse maigre n’est pas assez importante. Si on note ensuite une hausse de l’IMC entre 0 et 2 ans, c’est le signe qu’il est judicieux de rappeler aux parents l’importance d’un comportement alimentaire adapté. »