C’est une confirmation qui, de l’avis même des sociétés savantes de neurologie, marque un tournant dans la compréhension de la sclérose en plaques (SEP) et donc de sa prise en charge voire de son traitement. Un espoir inédit pour les patients et leurs familles !
Une maladie dégénérative
La SEP est une maladie auto-immune dégénérative qui s’attaque au système nerveux central, c’est-à-dire au cerveau et à la moelle épinière. Ce sont les lymphocytes B, cellules du système immunitaire, qui se retournent contre leur hôte et s’attaquent peu à peu à la gaine de myéline qui entoure les neurones et donc les fibres nerveuses. Les lésions qui en résultent altèrent ainsi la transmission des influx nerveux et provoquent des troubles moteurs, sensitifs, visuels…
Cette pathologie évolue par poussées successives, dont le moment de survenue et la gravité ne sont pas prévisibles, pas plus que les séquelles durables qu’elles laisseront. C’est pourquoi la sclérose en plaques est une pathologie dont les conséquences sur la santé sont variables d’un patient à l’autre. La SEP est l’une des causes les plus fréquentes de handicap chez les jeunes adultes. Elle touche 100 000 Français, dont 75% de femmes. Dans la majorité des cas, le diagnostic est posé chez les personnes âgées de 25 à 35 ans.
Que montre cette nouvelle étude ?
Depuis plusieurs années, un lien entre SEP et infection par l’Epstein-Barr virus (EBV) est soupçonné mais il était jusque-là demeuré difficile à prouver de façon irréfutable. L’étude qui vient d’être publiée dans le journal scientifique Science repose sur une analyse de très nombreuses données : elle a observé les résultats de prises de sang systématiques réalisées sur 10 000 jeunes soldats américains durant 20 ans. Parmi eux, certains ont développé une SEP, tandis que la majorité y échappait. En vérifiant leurs sérologies, les chercheurs ont mis en évidence un risque de SEP multiplié par 32 chez les patients qui étaient positifs à l’Epstein Barr virus, avec en moyenne 7,5 années entre le moment de la contamination par ce virus et le déclenchement de la maladie neurologique.
Que sait-on de l’Epstein-Barr virus ?
L’Epstein-Barr virus fait partie de la famille des gamma-herpèsvirus. Il est très courant, puisque 90 à 95 % de la population mondiale y a été exposé au cours de sa vie. Il se transmet par la salive. L’infection passe généralement inaperçue chez les enfants. Chez certains ados ou jeunes adultes, elle provoque des symptômes. On parle alors de mononucléose, appelée également « maladie du baiser ». Ce virus a la particularité de persister à vie dans le corps du patient qu’il a infecté. Il pourra alors se réactiver par moments, ce dont on ne se rendra pas compte sauf chez les personnes immunodéprimées.
En étudiant la persistance du virus chez les personnes souffrant de sclérose en plaques, on a retrouvé des particules virales au niveau du cerveau, et un taux d’anticorps ciblant l’EBV plus important que chez la moyenne des personnes infectées. Des indices qui seraient susceptibles d’expliquer pourquoi ce virus a activé chez eux une réaction anormale au niveau neurologique.
Une explication multifactorielle
Puisque 90 % de la population est contaminée au cours de sa vie par l’EBV, il est certain que le virus n’est pas le seul responsable de la sclérose en plaques mais il apparaît comme un déclencheur identifié cette fois de façon certaine chez les personnes prédisposées. D’autres facteurs de risques sont également impliqués dans l’apparition d’une SEP, tels que des facteurs environnementaux, le tabac, l’obésité durant l’adolescence, un déficit en vitamine D…
Un espoir pour l’avenir
Les conclusions de cette étude faisant le lien entre déclenchement d’une SEP et infection préalable par l’Epstein-Barr virus permettent aux chercheurs d’envisager de nouvelles approches pour prévenir et soigner cette maladie.
Actuellement, les traitements permettent seulement de limiter le nombre de poussées, sans réussir à éviter sa progression à long terme. A l’avenir, le recours à des anti-viraux pourrait être envisagé dans le traitement de la SEP, probablement en complément des thérapeutiques actuelles qui sont des immunomodulateurs ou immunosuppresseurs notamment. De plus, la prévention pourrait passer par l’injection d’un vaccin contre l’EBV chez les enfants. Les laboratoires ont d’ores et déjà débuté leur quête d’un vaccin efficace : Moderna a annoncé début janvier 2021 se lancer dans la mise au point d’une formule à base d’ARN messager dans cette indication.