Le diabète est une maladie connue depuis l’Antiquité. Caractérisée par la présence de sucre dans les urines, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que plusieurs chercheurs ont mis en évidence le lien entre cette maladie et un dysfonctionnement du pancréas. En 1855, Claude Bernard, médecin et physiologiste français, décrit le rôle du foie qui met le glucose en réserve sous forme de glycogène et peut le retransformer en glucose en cas de besoin. En 1869, l’étudiant en médecine allemand Paul Langerhans découvre que le pancréas contient, à côté des cellules sécrétant le suc pancréatique, d’autres cellules, regroupées en îlots. Elles porteront son nom : les îlots de Langerhans. Il n’en connaît cependant pas la fonction.
L’établissement du lien entre pancréas et diabète
Il faut attendre 1889 pour que le lien entre pancréas et diabète de type 1 (diabète lié à une production insuffisante voire nulle d’insuline par l’organisme) soit établi expérimentalement par deux médecins allemands, Oskar Minkowski et Josef Von Mering. Ils montrent que le fait de supprimer le pancréas chez un chien provoque l’apparition d’un diabète de type 1, et qu’en lui greffant ensuite un morceau de pancréas, l’excès de sucre disparaît. Ils en déduisent donc que le pancréas contient une substance capable de diminuer la concentration élevée de glucose dans le sang des diabétiques. Cependant, ils ne savent pas précisément quelles cellules produisent cette substance.
Ce n’est qu’en 1893 qu’un professeur à la faculté de médecine de Lille, Édouard Laguesse, suggère que les îlots de Langherans sont responsables de cette sécrétion interne du pancréas qui pourrait réguler la concentration de glucose dans le sang et les urines. Le mot « insuline » est utilisé pour la première fois en 1909 par un physiologiste belge, Jean De Meyer, pour nommer la substance libérée par les îlots de Langerhans. « On parle toujours de la découverte de l’insuline mais, comme toutes les découvertes, elle ne s’est pas faite à un moment précis. C’est une continuité de travaux qui y ont abouti » souligne William Rostène, neuroendocrinologiste et chercheur à l’Inserm. Il précise : « Dans les années 1900, la France, l’Allemagne, les États-Unis et l’Angleterre étaient avancés sur le sujet. C’est par hasard que la découverte est venue du Canada. Ce qui est fabuleux dans cette histoire, c’est la vitesse à laquelle l’équipe y est parvenue. »
Une équipe de précurseurs
Tout a commencé au cours de l’année 1919. Blessé par un éclat d’obus pendant la Première Guerre mondiale, Frederick Banting, alors chirurgien orthopédiste, part s’installer à London (Canada) comme praticien libéral. Parallèlement, il travaille à temps partiel à l’université de Western Ontario. Dans le cadre de son poste d’enseignant, il s’intéresse à un article scientifique évoquant les relations entre les îlots de Langerhans et le diabète. Il se met en tête de travailler sur le sujet. Pour mener ses recherches, il est dirigé vers le laboratoire de John Macleod, un professeur écossais, qui met à sa disposition un petit laboratoire ainsi que douze chiens pour effectuer des ablations du pancréas. En novembre, un biochimiste renommé spécialisé dans la purification des protéines, James Collip, se joint à l’équipe et permet par son travail une amélioration significative des résultats. De son côté, Banting, qui a grandi dans une ferme, a l’idée d’utiliser des pancréas de veau, lui permettant d’en avoir en plus grande quantité. « Cette idée a été décisive. Elle a ensuite été utilisée pendant 40 ans ». L’utilisation de pancréas de veau, couplée à l’amélioration de la purification des extraits de pancréas, va permettre à ces chercheurs de montrer qu’un chien devenu diabétique par suppression du pancréas peut survivre plusieurs semaines après administration d’un extrait pancréatique. Banting présente ces premiers résultats au Congrès de la société américaine de physiologie le 30 décembre 1921. Neuf mois après, ce sont des extraits pancréatiques de bœuf qui permettront de sauver un jeune malade, admis à l’hôpital en coma diabétique. En 1923, Banting et Macleod se voient décerner le prix Nobel de Médecine pour leur découverte. La même année, des laboratoires se lancent dans la production d’insuline extraite de pancréas de bœuf et de porc. Grâce à l’équipe de Toronto, les malades atteints de diabète de type 1 ont désormais un espoir de vivre avec leur diabète.