Les fluoroquinolones sont des antibiotiques particulièrement précieux : ils sont notamment efficaces dans le traitement d’infections bactériennes graves pouvant engager le pronostic vital. Il s’agit par exemple de la ciprofloxacine, de l’ofloxacine ou de la lévofloxacine. Ces molécules peuvent cependant conduire à des effets indésirables très rares, mais très graves touchant notamment les muscles, les articulations et le système nerveux. C’est pour cela que leur usage est fortement surveillé en France.
Baisse salutaire mais mésusages persistants
Un nouveau rapport du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare (ANSM, Cnam) dresse un état des lieux de la prescription en ville de fluoroquinolones à usage systémique par voie orale entre 2014 et 2023 en France, sur la base des données du système national des données de santé (SNDS). Et il s’avère qu’en une décennie, le nombre d’utilisateurs de fluoroquinolones par voie orale en ville est passé de 3,51 millions à 1,75 millions de personnes (pour respectivement 4,8 millions et 2,2 millions de délivrances), soit une baisse de 50 %.
Une baisse bien évidemment salutaire même si, commentent les auteurs rapport Epi-Phare, « l’utilisation de ces médicaments demeure toujours à un niveau élevé » et que, ajoute l’ANSM dans un communiqué diffusé le 20 février, « des situations de mésusage sont encore rencontrées ». L’agence du médicament rappelle en effet que ces produits « ne doivent pas être utilisés dans des situations où le recours à d’autres antibiotiques est possible ».
Quelles fluoroquinolones sont les plus utilisées ?
En 2023, la ciprofloxacine est devenue la fluoroquinolone la plus utilisée, devant l’ofloxacine et la lévofloxacine, avec respectivement environ 713 000, 662 000 et 426 000 utilisateurs. Les deux premières ont toutefois connu une baisse d’utilisation de respectivement 22 % et 40 % sur la période d’étude, alors que l’utilisation de la lévofloxacine est restée relativement stable (avec juste une baisse de 5 % au global). La fluoroquinolone de quatrième génération moxifloxacine est largement moins utilisée, avec une baisse de 72 % en 10 ans jusqu’à descendre à 35 610 utilisateurs en 2023.
Moins de prescriptions par les médecins libéraux
Les médecins libéraux sont toujours les principaux prescripteurs de fluoroquinolones par voie orale. En 2023, leurs ordonnances représentent encore 74,1 % des prescriptions, même si leur nombre a fortement régressé en 10 ans. Le nombre de prescripteurs hospitaliers, lui, est resté stable.
Parmi les libéraux et sur toute la période de 10 ans, les principaux prescripteurs de fluoroquinolones sont donc les généralistes (85,7 %), suivis des urologues et néphrologues (4,6 %), des gynécologues (1,6 %), des ophtalmologues (1,4 %) et des ORL (1,3 %).
« Depuis 2021, malgré les recommandations mises à jour en France, certains prescripteurs, comme les ophtalmologues, les ORL et les psychiatres continuent de prescrire des fluoroquinolones pour des indications non recommandées pour traiter des infections courantes chez leurs patients », regrettent les auteurs du rapport. Les données du SNDS ne permettent toutefois pas de connaître les indications pour lesquelles ces traitements ont été prescrits.
Les disparités hommes femmes ont disparu
Lorsque l’on regarde dans le détail, il s’avère que la plus grande part de la baisse d’utilisation des fluoroquinolones, d’environ 40 points, a eu lieu entre 2014 et 2020. Et il est intéressant de noter que le nombre d’utilisateurs a baissé dans toutes les catégories d’âge, dans toutes les régions, et indépendamment de l’indice de défavorisation sociale des patients. Ainsi, alors qu’il y avait en 2014 une prédominance de l’utilisation des fluoroquinolones chez les femmes, avec 2,1 fois plus de patientes à qui elles avaient été prescrites que de patients, le nombre d’utilisatrices a baissé de 63 % en 10 ans, contre un recul de 25 % pour les utilisateurs masculins. Et en 2023, il n’y a plus de différence d’utilisation entre les sexes.
Un rapport d’expertise de pharmacovigilance complète l’étude Epi-Phare
Cette étude Epi-Phare est complétée par un rapport d’expertise de pharmacovigilance réalisé par les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) de Paris et Marseille, sur demande de l’ANSM. Il en ressort qu’entre 2017 et 2023, 101 cas de neuropathies périphériques ont été associées à une prise de fluoroquinolones. « Cette expertise confirme la possibilité de survenue d’effets indésirables très rares, graves, invalidants, persistants et potentiellement irréversibles touchant notamment les muscles, les articulations et le système nerveux », commente l’ANSM. Sept cas ont été associés à une situation claire de mésusage, c’est-à-dire avec un usage « certain et indiscutable » en dehors d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou des recommandations des sociétés savantes. « A cet égard, les recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) doivent faire l’objet d’une actualisation qui sera publiée prochainement », conclut l’ANSM.