Toutes les rubriques / Maladies / Maladies métaboliques / L’hypercholestérolémie, cette tueuse silencieuse

L’hypercholestérolémie, cette tueuse silencieuse

L’hypercholestérolémie, cette tueuse silencieuse
L’hypercholestérolémie familiale met en danger plus de 220 000 personnes en France. Mal connue, elle peut pourtant être prévenue par un dépistage et combattue par des thérapies particulièrement efficaces.

Pour la professeure Catherine Boileau, cheffe de service du département de génétique à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP), « ce qui est terrible avec cette maladie, c’est qu’il n’existe pas de signes avant-coureurs qui permettent de prévenir le patient qu’il risque un grave accident ». Si l’excès de cholestérol dans le sang (on parle d’hypercholestérolémie) est une maladie fréquente et connue, l’hypercholestérolémie familiale (HF) passe encore bien souvent sous le radar du grand public comme des professionnels de santé.

Cette forme plus rare de la maladie touche aujourd’hui entre 225 000 et 270 000 Français, dont 30 000 à 50 000 enfants. S’ils ne sont pas dépistés et ne reçoivent pas de traitement, ces derniers ont 13 fois plus de risque d’avoir un accident cardiovasculaire et cela le plus souvent avant 50 ans. « C’est un réel enjeu de santé publique car l’hypercholestérolémie familiale est l’une des maladies génétiques les plus courantes. Pourtant elle reste très peu dépistée », souligne de son côté Lionel Ribes, président de l’Association nationale des hypercholestérolémies familiales et lipoprotéines (Anhet.f).

Deux maladies bien différentes pour une même anomalie

Il ne faut pas confondre hypercholestérolémie et hypercholestérolémie familiale (HF).

« Dans le premier cas, c’est un ensemble de facteurs comprenant un fond génétique favorable, une alimentation riche et un environnement particulier qui conduisent une personne avec une susceptibilité supérieure à la moyenne à développer un cholestérol élevé. Cette forme est appelée polygénique », explique Catherine Boileau. Cette version de la maladie est la plus fréquente dans la population générale, elle concernait un peu moins de 20 % de la population en 2013, selon Santé publique France.

« Dans d’autres cas moins fréquents, environ 1 sujet sur 250, l’hypercholestérolémie est dite “monogénique”, elle est alors héréditaire. » C’est la fameuse HF. Une enquête auprès des membres d’une même famille concernée montrera donc qu’à chaque génération, une partie de ses membres a eu des problèmes liés au cholestérol, des infarctus du myocarde ou encore des accidents vasculaires cérébraux (AVC). « Et la cause vient d’une même anomalie d’un même gène dans toute cette famille », poursuit l’hospitalière. Si, dans tous les cas, les symptômes et les causes métaboliques sont les mêmes, les gènes touchés, eux, sont différents. « Que le cholestérol vienne de l’alimentation ou du foie, sa nature lipidique ne lui permet pas de circuler naturellement dans le sang en tant que tel. Il existe donc un métabolisme dans l’organisme permettant de le distribuer aux différents tissus et cellules appelé lipoprotéine de faible densité (LDL) », détaille la chercheuse. « Elle permet à la fois de le transporter dans le sang mais aussi, avec l’aide d’un récepteur cellulaire, de le faire entrer dans les cellules. Et en cas de dysfonctionnement, ce sont ces LDL qui s’accumulent, se déposent dans les vaisseaux et causent les attaques. » Lors des premières identifications de HF, le gène dysfonctionnant mis en cause était celui lié au récepteur : à cause de la maladie, le récepteur n’est pas ou mal formé, limitant l’entrée du cholestérol dans les cellules et favorisant son accumulation dans le sang. D’autres types d’anomalies sont également possible (concernant d’autres gènes). Elles aboutissent toutes à une accumulation de cholestérol dans le sang et donc à un danger important pour la santé.

Des traitements efficaces

Dans la majorité des cas, ces anomalies génétiques ne sont présentes que sur l’un des allèles du gène (chaque gène est présent en deux « versions » appelées allèles, qui s’expriment selon un système de dominant-dominé). Cependant, il arrive parfois que les deux versions soient défaillantes. Le patient souffrira alors d’une hypercholestérolémie familiale dite « homozygote », ce qui est la forme la plus grave. Pourtant, même dans ces cas, les soignants ne sont pas sans moyens : « Les thérapies actuelles sont extrêmement efficaces », indique Catherine Boileau. D’une part, les statines utilisées depuis les années 1980 jouent sur la synthèse des récepteurs aux LDL et au cholestérol. Ces médicaments permettent d’abaisser drastiquement les risques. D’autres molécules, avec un mode d’action différent, sont apparues sur le marché depuis 2015. Il s’agit d’anticorps monoclonaux, appelés alirocumab et évolocumab. « L’un de leurs énormes avantages est le nombre très restreint d’injections : une à deux prises par an contrairement aux statines qui nécessitent une prise quotidienne » ajoute Catherine Boileau. Bien qu’ils soient encore très chers, ces nouveaux médicaments offrent donc une alternative ou un complément aux statines.

 

Un dépistage nécessaire

Cependant, pour que ces stratégies thérapeutiques prennent toute leur place dans le parcours de soins du patient, il est nécessaire de détecter la maladie de manière efficace. « Aujourd’hui, le dépistage est très ciblé : lorsqu’une personne a un accident lié au cholestérol, les praticiens vont mener une enquête et remonter en cascade les patients potentiels dans les apparentés », précise Lionel Ribes. Si cette méthode, pas encore systématisée, permet de retrouver de futurs malades, elle présente un inconvénient majeur : il faut attendre un infarctus ou un AVC pour l’amorcer. « Dans une démarche de santé publique, il est nécessaire de dépister les personnes dans la population générale, plaide Catherine Boileau. Aujourd’hui, les seuls dépistages de cholestérol ont lieu chez la femme en amont d’une prescription de contraception et après les accidents vasculaires ou cardiaques. » De son côté, Lionel Ribes milite pour « un dépistage massif chez les jeunes enfants, avant leur troisième anniversaire. Aujourd’hui seuls 5 % d’entre eux le sont contre 70 % aux Pays-Bas. » Cette stratégie permettrait, dans un premier temps, de discriminer les enfants les plus à risques et d’ensuite mener une enquête auprès des jeunes parents, qui sont proches des catégories d’âge où surviennent les accidents les plus nombreux. L’association doit d’ailleurs « rencontrer le ministère de la Santé et l’Assurance maladie prochainement pour évoquer ces stratégies ».

Publications Similaires