Les éditions de Téléthon se succèdent mais les visages restent. Ces visages d’enfants atteints par des maladies « orphelines », comme on les appelle. Ils sont pourtant loin d’être orphelins, ces petits gamins que leurs parents soutiennent sans faillir chaque jour et qui se battent depuis leur naissance pour conjurer la maladie, lutter contre le temps, et pousser toutes les portes pour essayer d’accéder à des traitements de thérapie génique qui aujourd’hui donnent enfin des résultats. Voici l’histoire de Jules et voici son visage, son sourire.
La première naissance de Jules, et la révélation de la maladie
« Quand Jules est né, on nous l’a retiré tout de suite. Il ne respirait pas, et on n’a pas eu de nouvelles pendant plusieurs jours », se souvient Anaïs, la maman. « Quand il a été diagnostiqué, à l’âge de 3 mois, le médecin qui nous a reçu nous a annoncé une espérance de vie de 12 mois », se souvient la jeune femme. Le petit Jules est atteint de myopathie myotubulaire, une maladie rare qui touche exclusivement les garçons (1 garçon sur 50 000 est touché) et rend toute respiration, tout mouvement, tout effort, extrêmement difficile. « Les toutes premières semaines, il ne bougeait pas », témoigne Anaïs. Elle ajoute : « Une chambre d’enfant, logiquement, c’est un berceau, une commode, des jouets et beaucoup de vêtements. Nous, on a appris à changer une trachéo, un bouton de gastrostomie, faire un massage cardiaque, détecter une insuffisance respiratoire, utiliser un ballon pour le réanimer… » Malgré tout, Anaïs et Wilfried, les parents, voient bien que Jules se bat, s’accroche, et progresse. « On ne pouvait absolument pas le laisser tomber. Alors on a commencé à chercher sur Internet, et on est tombés sur l’Institut I-Motion à Paris (ndlr : la plateforme d’essais clinique pédiatrique de l’AFM-Téléthon). Sur des personnes qui connaissaient vraiment la maladie ». Les parents de Jules se voient proposer le médicament de thérapie génique mis au point par la chercheuse Ana Buj-Bello, chercheuse au Généthon, le laboratoire du Téléthon. Depuis 20 ans, elle travaille d’arrache-pied pour mettre au point un traitement contre cette maladie. La moitié de ces petits garçons qui naissent avec une importante faiblesse musculaire, une hypotonie et une détresse respiratoire, décédent avant leur deuxième anniversaire.
La deuxième naissance de Jules, le jour de l’injection
Le 29 janvier 2020, à l’hôpital Trousseau à Paris, Jules est le premier patient français à recevoir un traitement de thérapie génique contre la myopathie myotubulaire. Le traitement a été mis au point par Ana Buj-Bello, mais les fonds ont été levés aux Etats-Unis et c’est à Chicago que les petits patients sont inclus dans l’essai. En plus des petits patients américains, Jules est inclus dans l’essai, et devient, dixit sa maman, « un petit pionnier de la thérapie génique » pour la France, le pays de la chercheuse qui a mis au point le médicament.
« 15 jours après l’injection, Jules tenait déjà assis tout seul »
« Quinze jours après l’injection, Jules tenait déjà assis tout seul. Ça a été une émotion tellement forte ! », se rappelle Anaïs. Aujourd'hui, l’évolution du petit garçon est assez extraordinaire. Alors qu’il respirait avec l’aide d’une machine 24h/24, il n’a plus besoin d’assistance respiratoire, mange seul, se tient debout et parle sans discontinuer, comme s’il devait rattraper des années de silence. Auparavant, il ne se rendait même pas compte qu’il avait des jambes ni à quoi elles servaient. Aujourd'hui, il se tient debout et a même découvert les joies du vélo... et du poney ! Le médicament de thérapie génique qu’a reçu Jules permet de traiter le corps entier en une seule injection. Chez la plupart des enfants traités, les effets sont significatifs sur les fonctions musculaires et respiratoires. « On a travaillé avec beaucoup de persévérance, au début c'était un rêve, maintenant c'est devenu une réalité, et on est très fiers ! », confie Ana Buj-Bello.
25 ans de recherche et un réflexe : 3637 !
C’est la générosité des donneurs du Téléthon qui permet à des traitements comme celui dont a bénéficié Jules de voir le jour. Et la ténacité des scientifiques comme Ana Buj-Bello, et ses 25 ans de combat contre la myopathie myotubulaire. En 1996, avec le soutien, déjà, de l’AFM-Téléthon, des chercheurs français découvraient le gène responsable de la myopathie myotubulaire. Entre 1997 et 2014, après avoir apporté une première preuve d’efficacité de la thérapie génique chez la souris, Ana Buj-Bello démontre son efficacité chez des chiens naturellement atteints de la maladie. En 2017, grâce à ses travaux et à ceux de son équipe, un essai mené par la société de biotechnologies Audentes Therapeutics démarre, aux Etats-Unis. Entre 2018 et 2021, les résultats chez les enfants traités montrent une nette amélioration de la fonction respiratoire, cardiaque et motrice. Une majorité des enfants sont libérés de l’assistance respiratoire qui leur était indispensable. Ils peuvent tenir assis, debout et marcher, avec ou sans soutien. Comme Jules.