Mediator, Sibutral, Acomplia… Autant de noms de médicaments qui sont à présent connus du grand public, associés à la perte de poids mais aussi et surtout à ses dérives et ses dangers. Aujourd’hui, de nouvelles molécules sont mises sur le marché, plus performantes et avec beaucoup moins d’effets secondaires. De quoi raviver l’espoir pour les 17 % de Français en situation d’obésité, d’après les résultats de l’étude ObÉpi-Roche portée par la Ligue contre l’obésité et publiée dans le Journal of Clinical Medicine en janvier 2023.
Les incrétines au cœur de l’action
Ces nouveaux médicaments ont été mis au point en s’intéressant à de nouveaux modes d’action. « Historiquement, on utilisait des neurotransmetteurs pour traiter l’obésité, explique le professeur Ralf Jockers, chercheur statutaire à l’institut Cochin, spécialisé en pharmacologie et physiopathologie des récepteurs membranaires. Cependant, ceux-ci avaient beaucoup d’effets secondaires. » La nouvelle génération de médicaments est basée, elle, sur l’imitation de molécules baptisées « incrétines » telles que la GLP-1 et la GIP. Il s’agit d’hormones naturellement produites par certaines cellules de l’intestin à la suite d’une prise alimentaire, c’est-à-dire lorsqu’il y a, dans le tube digestif, du glucose et des acides gras. Pour créer des médicaments, on a produit des analogues de ces incrétines, soit des copies. Ces médicaments « agissent en synergie et par un mécanisme différent des anciens traitements médicamenteux contre l’obésité », détaille Ralf Jockers.
L’un des points faibles de cette technologie est ce que l’on appelle la « demi-vie » des molécules, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que, après leur administration, leur concentration dans le sang du patient diminue de moitié. Cette demi-vie indique la durée d’action d’un médicament : plus elle est courte, moins le traitement est efficace longtemps et plus sa prise doit être renouvelée fréquemment. Au cours des années de recherche, des analogues de plus en plus stables ont été développés et les molécules présentes dans les médicaments actuels présentent une demi-vie d’environ cinq jours.
Des effets multiples
« En réalité, les incrétines ne sont pas si nouvelles, car leur principe est connu depuis longtemps, des travaux étant menés dessus depuis une vingtaine d’années », poursuit Ralf Jockers. La première indication était la prise en charge du diabète et l’effet sur le poids n’a intéressé les chercheurs que dans un second temps. « Puisqu’une partie des patients diabétiques sont également obèses, les chercheurs se sont rendu compte que ces molécules pouvaient aussi avoir une répercussion intéressante sur le poids », continue-t-il.
Les analogues des incrétines ont ainsi plusieurs actions. D’abord, ils interviennent sur la production d’insuline au niveau du pancréas, d’où leur intérêt pour les patients diabétiques de type 2. Ils ont de plus des effets sur le système digestif, ce qui explique les effets indésirables les plus fréquents, comme la constipation ou des nausées. Toutefois, ces effets secondaires sont atténués par l’augmentation progressive des doses, permettant une meilleure tolérance. « Il faut noter que les effets indésirables sont généralement transitoires et de faible intensité », explique Lysiane Jubin, directrice médicale obésité chez Novo Nordisk France. D’autre part, des récepteurs au GLP- 1 sont situés au niveau central, principalement dans des zones cérébrales qui sont impliquées dans la régulation de l’appétit. Il y a une action directe sur les sensations de faim et de satiété, ce qui permet de réguler les apports alimentaires. Cet effet est dose-dépendant. Aussi, en augmentant les doses, on peut augmenter la perte de poids. » Il est par ailleurs démontré que ce type de molécule régule certains paramètres biologiques comme les triglycérides, les enzymes du foie, l’inflammation (avec la CRP) ou encore la régulation de la tension ou de l’apnée du sommeil, « qui jouent peut-être également un rôle dans cette perte de poids », souligne-t-elle.
Plus efficace, moins dangereux
« Parmi les points forts de cette nouvelle génération de médicaments, il y a l’amplitude des effets, note Ralf Jockers. Actuellement, elle se situe généralement entre 15 et 20 % de perte de poids chez le patient, soit 10 % de plus qu’avec les anciennes molécules. En outre, utilisées avec des potentialisateurs, on pense que ces molécules permettraient d’atteindre une perte de poids de 20 à 30 %, bien que la recherche n’en soit encore qu’au début sur ce point. » De plus, selon la directrice médicale obésité chez Novo Nordisk France, « ce qui est aussi intéressant, c’est que les effets se maintiennent tout le temps du traitement. C’est ce que l’on recherche lorsque l’on prend en charge un patient qui souffre d’obésité. » Cependant, il faut bien noter que l’effet ne perdure pas une fois le traitement interrompu.
Autre grand point fort des incrétines : leur capacité à réduire le risque cardiovasculaire. C’est ce que semble confirmer l’étude SELECT, menée sur plus de 17 500 patients souffrant de surpoids ou d’obésité et dont les résultats ont été publiés en août 2023, par le laboratoire Novo Nordisk. Elle conclut que le sémaglutide, médicament utilisé dans le test, a permis de réduire le « risque absolu de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux de 1,5 % ». Saxenda de Novo Nordisk, Xenical de Cheplapharm ou encore le Mounjaro de Lilly, les nouveaux médicaments de l’obésité, pourraient bien devenir des noms aussi connus que le Mediator, mais pour de bien meilleures raisons.