Avec 60 000 personnes opérées chaque année et au total 500 000 personnes y ayant déjà eu recours, la France est une « championne » de la chirurgie bariatrique. Cette technique chirurgicale le plus souvent irréversible est destinée aux personnes obèses souhaitant perdre du poids, notamment pour améliorer leur état de santé. Plusieurs techniques sont possibles. La « sleeve », où l’estomac devient un « manchon » après l’exclusion définitive des deux tiers de l’organe, représente plus de 50 % des interventions bariatriques en France. Suivie par le bypass (une déviation gastrique pour réduire le volume de l’estomac) et l’anneau gastrique ajustable (réversible, lui).
Une absorption des nutriments modifiée
Quelle que soit la méthode utilisée, la chirurgie bariatrique a des conséquences sur le fonctionnement de l’appareil digestif. « Lorsque l’on modifie l’anatomie du tube digestif par la chirurgie, on entraîne forcément des carences d’absorption de différents nutriments », explique le docteur Claire Carette, médecin nutritionniste et diabétologue à l’Hôpital européen Georges Pompidou (Paris), intervenante de la conférence « obésité et carences nutritionnelles masquées » durant le E-Congrès de Médecine générale qui s’est déroulé le 2 juillet 2020.
Une personne opérée par chirurgie bariatrique sera donc à très haut risque de carence en certains nutriments après son opération. Un risque qui s’ajoute à ceux entraînés par l’obésité. Cette dernière est, à elle-seule, à l’origine de carences nutritionnelles notamment en fer et vitamine D. Les professionnels de santé entourant la personne obèse opérée devront tenir compte des risques cumulés pour évaluer ses besoins en supplémentation, plus importants encore après l’opération.
La question des protéines
Mécaniquement, la diminution drastique des apports alimentaires après la chirurgie (c’est quand même, aussi, le but de la manœuvre !) engendre des carences. Claire Carette cite ainsi une étude réalisée sur 144 patients français opérés, parue en 2014 dans Annals of Surgery. On y voit la moyenne des apports alimentaires avant chirurgie, un an après, puis trois ans après. « On passe de 2000 calories par jour avant à 1 200 un an après puis à 1 300 trois ans après », constate le Dr Carette. « La quantité de protéines contenue dans ces apports alimentaire est très faible, de l’ordre de 50 grammes par jour environ, alors qu’il faudrait idéalement entre 1 et 1,5 g de protéines par kilo de poids… Ce qui est impossible chez ces patients. Nous sommes donc amenés à les supplémenter en protéines après l’opération ». Les carences sont d’ailleurs encore plus importantes, précise-t-elle, avec des chirurgies comme le « bypass » qui créent une malabsorption.
Vitamines et minéraux
Côté micronutriments, un soin particulier sera apporté aux vitamines du groupe B, « parce que ce sont celles [dont la carence] va donner des complications particulièrement dramatiques », ajoute le Dr Carette.
Egalement répertoriées, des carences fréquentes en calcium et vitamine D sont à l’origine d’un risque plus important de fracture après chirurgie bariatrique. « La supplémentation en vitamine D et calcium est systématique : ce sont les recommandations de la Haute Autorité de santé », indique la spécialiste.
Un équilibre à retrouver
Les patients opérés d’une chirurgie bariatrique font régulièrement part de leur surprise face à de nouvelles sensations découlant de leur opération. La différence d’absorption de l’alcool avec un « bypass » peut par exemple dérouter les patients ou, au contraire, les rendre « addicts » au « shoot de bien-être engendré par des quantités d’alcool qui sont beaucoup plus faibles que celles qu’ils pouvaient absorber auparavant ». On comprend donc bien l’extrême importance, avant d’envisager toute chirurgie bariatrique, de discuter profondément et longuement avec les médecins et chirurgiens de cette décision qui aura des impacts à vie sur son quotidien.