Intuitivement, on s’imagine qu’un enfant en surpoids n’a pas de carence puisque, par définition, il est « trop » nourri. Mais la réalité est plus complexe. Comme l’a expliqué le professeur Béatrice Dubern, gastro-pédiatre à l’Hôpital Trousseau (Paris), lors d’une conférence sur le thème « surpoids et carences nutritionnelles masquées » durant le E-Congrès de Médecine Générale qui s’est déroulé le 2 juillet 2020 : « Les enfants qui présentent une obésité ont techniquement un apport énergétique plus important que leurs besoins, il y a donc très peu de risques de carences en macronutriments [en glucides, lipides et protéines, NDLR]. En revanche, la question des carences en micronutriments se pose bel et bien [les vitamines et minéraux, NDLR], en particulier concernant le fer, la vitamine D et le calcium ».
Manque de fer
Un lien entre obésité et carence en fer a été démontré et les plus jeunes ne sont pas épargnés. « Récemment, une étude chez les moins de 3 ans a montré qu’il y avait une augmentation de près de 30 % du risque de carence martiale [carence en fer, NDLR] » chez les enfants en surpoids, prévient le Pr B. Dubern. Les causes sont multifactorielles. L’une d’entre elles, l’inflammation chronique - toujours présente dans l’obésité - « entraîne une modification de l’absorption du fer au niveau de l’intestin ». Pourquoi s’intéresser à la carence en fer chez l’enfant ? Parce qu’elle a de nombreuses conséquences :
- l’anémie, c’està-dire la baisse du taux d’hémoglobine dans le sang, qui s’accompagne généralement de fatigue ;
- une fragilité accrue face aux infections ;
- des troubles du neurodéveloppement, avec un risque de retard de développement, de déficits de l’attention ou de la mémoire, des troubles du comportement…
« Ces symptômes peuvent être améliorés lorsque l’on supplémente l’enfant en fer », rassure le Pr B. Dubern. Il faudra donc rechercher systématiquement cette éventuelle carence chez les enfants en surpoids et la corriger efficacement, généralement grâce à une supplémentation sous forme de médicament à prendre par voie orale. La posologie sera fixée par le médecin en fonction des résultats de l’analyse de sang, le fer ne devant pas être en excès dans l’organisme.
Bien entendu, ces nutriments se trouvent aussi dans une alimentation équilibrée. « Les principales sources de fer sont la viande, les poissons complétés de légumes secs », détaille le Pr B. Dubern.
Trop peu de vitamine D
Autre carence à surveiller chez les enfants en surpoids ou obèses, celle en vitamine D. « Une méta-analyse a montré qu’il y avait une association entre carence en vitamine D et obésité », explique le Pr B. Dubern. Le manque de vitamine D « est plus fréquent de 35 % chez les obèses et de 24 % chez les personnes en surpoids, dans toutes les classes d’âge ». Là encore, l’origine est multifactorielle : carence d’apport, insuffisance d’exposition au soleil… « Mais cette carence est également liée à la particularité de la vitamine D : liposoluble elle est facilement stockée dans le tissu adipeux qui est augmenté en cas d’obésité. » Comme piégée dans les graisses, la vitamine D n’assure plus ses fonctions essentielles pour l’organisme.
Concernant la supplémentation en vitamine D, le Pr B.Dubern précisé que « la recommandation actuelle est de 100.000 UI tous les 3 mois systématiquement, quelle que soit la période de l’année car les enfants obèses sont des patients à risque de carence » tout en rappelant que « la vitamine D est disponible dans les poissons gras, les œufs et les produits laitiers non écrémés ».
Carences en calcium
Le Pr B. Dubern alerte enfin sur le risque de carence en calcium chez les enfants en surpoids, même si ce risque existe également chez les enfants présentant un poids normal. Si on connait bien le rôle essentiel du calcium dans la croissance minérale osseuse, on oublie parfois qu’il participe aussi à la coagulation sanguine ou à la transmission nerveuse.
« Depuis 2010, une baisse de la consommation de lait et de produits laitiers est observée dès la petite enfance », regrette-t-elle. « Elle peut s’expliquer par l’augmentation des petits déjeuners sautés au cours de la semaine et la baisse de la quantité de lait prise au petit-déjeuner pour ceux qui en prennent ». Or, cette baisse de la consommation de produits lactés « n’est pas compensée par d’autres produits laitiers ou aliments consommés durant un autre repas ». Pour améliorer les apports en calcium, on peut proposer plus d’oléagineux comme les amandes, les noisettes et les pistaches (pourquoi pas sous forme de purée, facile à tartiner sur une tranche de pain). On peut aussi mettre plus souvent au menu moules, crevettes, langoustines ou noix de Saint Jacques.