Tout a commencé en avril 2023 quand le Centre de pharmacovigilance de Navarre, en Espagne, a eu connaissance du cas d’un nourrisson qui avait développé une pilosité progressive sur le dos, les jambes et les cuisses sur une période de 2 mois. Après enquête, il s’est avéré que son père, qui avait pris un congé d’un mois pour s’occuper de son enfant, utilisait du minoxidil 5 %, un médicament à appliquer sur le crâne pour traiter son alopécie androgénique, c’est-à-dire sa perte de cheveux. Il agit en dilatant les vaisseaux sanguins, ce qui a pour effet de stimuler la croissance des cheveux.
Ce papa avait donc été en contact étroit avec le bébé qui a développé une hypertrichose, c’est-à-dire une pilosité excessive. Après avoir cessé tout contact avec le médicament, les symptômes ont heureusement totalement régressé chez le bambin.
Ce cas a été présenté aux 13e Journées de pharmacovigilance qui se sont tenues à Oviedo dans les Asturies en novembre 2024. Puis un examen des cas similaires signalés dans la base de données du système de pharmacovigilance espagnol (Fedra) a permis de détecter six autres cas comparables, tous chez des nourrissons dont les personnes qui prenaient soin d’eux suivaient un traitement au monoxidil. Par ailleurs, quatre autres cas ont été détectés à la suite d’une recherche dans Eudravigilance, la base de données européenne de pharmacovigilance, et d’une analyse de la littérature scientifique. Soit, au total, onze cas en Europe.
L’Agence européenne des médicaments a réagi
Le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a réagi en décidant qu’à partir d’octobre 2024, les informations de la notice des produits contenant du minoxidil devraient être modifiées. Il a demandé à ce que de nouvelles informations soient ajoutées pour mettre en garde contre le risque d’hypertrichose chez les nourrissons à la suite d’une exposition accidentelle au minoxidil.
Reste à élucider comme le parent ou la personne qui s’occupe du bébé expose ce dernier au produit. Les spécialistes soupçonnent que le médicament a pu être transmis au nourrisson par contact direct ou indirect, mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu ingestion accidentelle par contact main-bouche après que le bébé a touché les zones traitées avec du minoxidil de la personne qui prenait soin de lui. Il se trouve en effet que la peau des bébés est particulièrement perméable, explique le Centre de pharmacovigilance de Navarre, en raison d’une couche plus fine et d’un rapport surface/poids corporel plus élevé. Ceci expliquerait d’ailleurs pourquoi les jeunes enfants absorbent plus facilement les médicaments qui sont conçus pour être appliqués sur la peau.
En attendant, comme le précise le Bulletin d’information de pharmacovigilance de Navarre, la détection de tels cas d’hypertrichose chez des bébés est importante, car elle met en évidence le fait que des individus d’un âge vulnérable se retrouvent involontairement exposés à un médicament qui n’est absolument pas indiqué pour eux. Sans compter le stress important subi par la famille lorsqu’apparaît chez un bébé ce syndrome du loup-garou.