Fin mai dernier, la ministre de la Santé Catherine Vautrin et son ministre délégué Frédéric Valletoux avaient dénoncé d’une seule voix la commercialisation de la poudre Sniffy, « rageant de voir ce genre de produits proposés à la jeunesse » et promettant d’interdire cette « cochonnerie » dès que possible. Pour le faire, la France devait obtenir l’aval de la Commission européenne, ce qui vient de lui être autorisé. Dans la foulée, la ministre Vautrin a signé un arrêté de suspension de commercialisation pour un an, paru au « Journal officiel » le samedi 27 juillet.
La controverse ? La société marseillaise Power Factory a lancé sur le marché une poudre blanche énergisante en flacon de 1 gramme baptisée « Sniffy ». Ce produit décliné en cinq saveurs (nature, menthe, fruits de la passion, bonbon fraise, citron vert) et composé d’arginine, caféine, créatine, citrulline, taurine, etc., est très proche de boissons énergisantes bien connues et ses ingrédients sont tous autorisés. Mais il s’agit d’une poudre à sniffer, vendue pour cela avec une courte paille, incitant ainsi à un geste totalement associé à la prise de drogue comme la cocaïne.
Produits borderline
Face à la levée de boucliers, notamment de l’association Addictions France, Power Factory avait d’abord justifié le choix de l’inhalation pour sa rapidité d’action et non pour rappeler la prise de drogue. Elle avait capitulé début juin en modifiant le mode d’administration devenue « orale ou sublinguale », modifications faites sur les packagings et sur le site Sniffy.
A la tête de cette société créée fin 2023 se trouvent deux entrepreneurs marseillais, Mathieu Norton et Jonathan Dery, qui ont aussi fondé Highbuy en 2020, un grossiste spécialisé en produits borderline. Sur le site d’Highbuy, on trouve toute une déclinaison de présentations contenant du CBD (fleur, résine, e-liquide, huile, gélule, infusion, milkshake, bonbon, et même puff (e-cigarette jetable) et « joint » pré-roulé) sous les marques Tengrams, Happy Ganja et White Rabbit ; ainsi que les cinq références de marque Sniffy. Un site qui, lui, n’a pas été actualisé au 29 juillet 2024 puisque Sniffy y est toujours présenté comme une « poudre à inhaler » qui peut « évoquer des connotations négatives » mais qui « est totalement légale et conforme à la loi ».
Danger grave et immédiat
Pour l’heure, seule la commercialisation des produits Sniffy est suspendue, en raison du danger « grave et immédiat pour la santé publique » qu’ils représentent. Dans son arrêté, le gouvernement leur reproche « leur présentation, leur apparence générale, leur modalité spécifique de consommation (…) la promotion des effets stimulants attendus, [qui] imitent en particulier la cocaïne (…) entretiennent une confusion avec la consommation de stupéfiants ». Il déplore également leur nature « à banaliser » l’usage de stupéfiants et leur présentation « particulièrement attractive pour un public jeune ». Il pointe aussi l’administration intranasale qui présente « un risque avéré, en cas de recours répété, de fragilisation des voies nasales avec des effets délétères associés tels que saignements, congestion, infections des sinus, pouvant aller jusqu'à une rupture du septum ». Il insiste enfin sur le risque de transmission de maladies infectieuses par le partage de la paille lors d’un usage collectif.