Parmi les allergies alimentaires, on distingue plusieurs mécanismes biologiques qui ont des gravités potentielles différentes. L’un d’entre eux, baptisé syndrome alpha-Gal ou SAG, est peu connu mais il peut être très grave pour les personnes qui en souffrent. Il consiste en une réaction allergique impliquant des immunoglobulines E (on la décrit comme IgE-médiée) à l’alpha-Gal, un sucre particulier présent dans les membranes des cellules de tous les mammifères à l’exception des primates. On retrouve donc cet alpha-Gal dans les viandes dites rouges, mais pas dans la volaille ou le poisson.
Une découverte fortuite
C’est au milieu des années 2000 aux États-Unis que le SAG commence à attirer l’attention : lors d’essais cliniques sur un médicament anticancéreux, le cétuximab, 22 % des volontaires habitant le Tennessee et la Caroline du Nord ont présenté de graves réactions d’hypersensibilité. Or, le cétuximab et l’alpha-Gal ont en commun sept épitopes, ces petites parties de molécules qui sont repérées par le système immunitaire comme des marqueurs spécifiques. Les investigations des chercheurs ont conclu que ces populations avaient été sensibilisées à ce sucre par des morsures de tiques, très fréquentes dans ces États. Au fil du temps, de plus en plus de cas d’allergie à la viande ont été documentés, notamment chez des chasseurs friands d’agapes à base de gibiers vivant dans des zones boisées.
Phénomène mondial émergent
Ce phénomène mondial émergent a été décrit, en décembre 2023 dans un article du Journal of the American Medical Association (JAMA), une revue médicale internationale très estimée. On y lit qu’« aux États-Unis, 110 000 cas de SAG ont été signalés entre 2010 et 2022 », celui-ci étant « plus fréquemment diagnostiqué dans le sud, le centre et l’est des États-Unis » où la tique de type Lone star est incriminée. Les cas augmentent aussi en Australie à cause de la tique Ixodes holocyclus et en Europe avec Ixodes ricinus.
Le mécanisme est désormais connu : lors d’une morsure, la tique injecte une protéine qui ressemble à de l’alpha-Gal et qui se trouve dans sa salive, induisant chez la personne piquée une réaction avec production par le système immunitaire d’IgE. Son corps est alors prêt à réagir au cas où cette substance (ou toute autre qui lui ressemblerait beaucoup) serait à nouveau à son contact. C’est ainsi que si le patient déguste de la viande de bœuf, chevreuil, cheval, agneau, lapin, chèvre ou encore porc, il court le risque de déclencher la réaction allergique dite SAG avec, à la clé, une potentielle menace pour son pronostic vital.
Un risque avec la viande rouge mais aussi des médicaments
Même si le phénomène est à présent compris, le diagnostic est complexe à poser parce que les symptômes surviennent 3 à 6 heures après l’ingestion de viande donc faire le lien entre les deux n’est pas simple pour les médecins. Or, pour éviter toute récidive, un patient concerné par le SAG devra exclure totalement la viande de mammifère de son alimentation, mais également avoir une attention toute particulière vis-à-vis de certains médicaments. Hormis le cétuximab anticancéreux, il est ainsi très fortement conseillé d’éviter la prise d’antivenin de serpent (l’antidote en cas de morsure) ou encore d’héparine (un fluidifiant sanguin) en raison d’un risque non négligeable de réaction allergique. Des contraintes qui complexifient sérieusement la prise en charge de ces patients tout au long de leur vie !