Au titre du droit des usagers, une association de patients peut saisir la HAS. C’est ce qu’a fait France Assos Santé en avril 2024, en requérant l’élaboration de recommandations sur la prise en charge des effets indésirables graves d'une classe particulière d'antibiotiques, les fluoroquinolones, soulignant qu’elles étaient « souvent incompris du corps médical, voire niés et non pris en considération ». Il s'agit notamment de la ciprofloxacine (Ciflox, Uniflox et génériques), la lévofloxaxine (Tavanic et génériques), l'ofloxacine (Oflocet, Monoflocet, génériques). Pourtant, selon l’association, des effets potentiels graves leur sont associés : « effets musculosquelettiques avec invalidité, neuropathies périphériques, troubles neurologiques et psychiatriques, troubles auditifs, problèmes cardiaques, etc.». Pour préparer sa décision, la HAS a effectué une recherche documentaire « qui ne permet pas une recommandation telle qu’elle est souhaitée par France Assos Santé ». En effet, selon elle, aucune recommandation internationale ou nationale, ni revues systématiques d’études cliniques traitant de la prise en charge des complications des fluoroquinolones, ne ressortent de cette recherche.
La HAS alerte les médecins
La HAS en conclut donc que « l’élaboration d’une telle recommandation se heurte à un obstacle de faisabilité en l’absence de données scientifiques et du fait de la grande diversité des complications possibles ». Mais exhorte les médecins à informer le patient dès qu’un tel antibiotique lui est prescrit, des précautions à prendre pour réduire le risque de complications. Et rappelle la nécessité pour les prescripteurs de toujours mettre en balance l’intérêt d’une fluoroquinolone dans des indications précises, avec ses effets indésirables potentiels. Elle alerte enfin sur l’importance d’« observer une attitude de grande prudence dans la prescription de fluoroquinolones, dans le respect des indications et règles d’utilisation ».
Un document pour les professionnels de santé
La HAS va travailler à l’élaboration et à la diffusion d’informations destinées aux professionnels de santé. Un document qui les sensibilisera à l’importance de repérer ces complications, de les signaler, et leur précisera la conduite à tenir. Le collège rappelle par ailleurs que des actions ont déjà été mises en place par ses soins et par ceux de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), sur l’élaboration de recommandations afin de limiter la prescription de ces antibiotiques. Rappelons que l’ANSM conduit actuellement une expertise de pharmacovigilance sur les fluoroquinolones, qui sera « déterminante » pour identifier la nature et les liens entre ces dernières et les effets indésirables graves. Par ailleurs, en mai 2024, le comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament (EMA) a rappelé que ces antibiotiques faisaient l’objet de restrictions en raison d’effets indésirables « très rares mais sérieux ». Notamment, listait le comité, tendinite, rupture de tendon, douleur ou faiblesse musculaire, arthralgie, gonflement articulaire, trouble de la marche, neuropathie périphérique, insomnie, dépression, fatigue, troubles de la mémoire, de la vue, de l’audition, de l’odorat et du goût. Sur son site, l’ANSM souligne enfin que les fluoroquinolones ne peuvent être prescrites que pour des infections sévères, et après avoir expliqué au patient la conduite à tenir en cas d’événement indésirable.
