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Maladies rares : y penser et en parler

Maladies rares : y penser et en parler
Les pharmaciens peuvent servir de relais d’information auprès des patients qui semblent en errance diagnostique.

Les Académies nationales de médecine et de pharmacie ont publié au courant du mois d’octobre 2023 un avis consacré à l’errance diagnostique. Celle-ci représente « un réel danger dans la lutte contre les maladies rares », selon Hélène Berrué-Gaillard, pharmacienne et présidente de l’Alliance maladies rares qui rassemble 240 associations. Et il s’agit d’une problématique que les médecins et pharmaciens prennent de plus en plus en compte.

En France, environ 3 millions de personnes sont atteintes par une ou plusieurs des 7 000 pathologies catégorisées comme rares. « Donc en moyenne, une personne sur vingt qui entre dans une officine est atteinte d’une maladie rare », note Hélène Berrué- Gaillard. D’après le ministère de la Santé, elles sont généralement « sévères, chroniques, d’évolution progressive » et entraînent dans 50 % des cas un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel, et dans 9 % des cas une perte totale d’autonomie. Ces maladies concernent dans la moitié des cas des enfants de moins de 5 ans et sont « responsables de 10 % des décès entre 1 et 5 ans », précise le ministère. « Concernant le nombre de maladies, il faut tout de même préciser qu’à peu près 300 pathologies de cette liste sont beaucoup plus fréquentes que les autres et représentent ainsi entre 80 et 85 % des patients », souligne Isabelle Huet Salvetat, responsable médicaments de l’Alliance maladies rares.

 

Un combat quotidien

D’après l’étude Erradiag, publiée en 2016 par l’Alliance maladies rares et réalisée auprès de 844 malades représentants de ces pathologies, « la moitié des répondants ont cherché durant au moins un an et demi leur diagnostic, et un quart pendant plus de cinq ans ». Du fait de ce délai, surviennent des problématiques concernant la pathologie, comme l’aggravement potentiel des symptômes ou la surconsommation de médicaments. Ce dernier point est d’ailleurs susceptible de générer des complications. « Sans diagnostic sûr, des patients peuvent se retrouver à consommer des médicaments, notamment contre la douleur, qui empirent leur maladie », lance Hélène Berrué- Gaillard, présidente de l’Alliance maladies rares. L’impact psychologique et sociétal d’une absence de diagnostic est également à prendre en compte. « Sans diagnostic, que va dire le patient à ses proches, son employeur ou ses enfants lorsqu’il a de très fortes douleurs ou qu’il n’arrive pas à se lever ? », questionne-t-elle.

 

Créer le bon réflexe

« La plus grande problématique liée aux maladies rares est le fait que l’on n’y pense pas. Les maladies rares, ensemble, sont pourtant l’une des pathologies les plus fréquentes en France », note Isabelle Huet Salvetat. De ce fait, de nombreux patients sont confrontés à l’errance diagnostique. «On voit cependant les médecins et pharmaciens se saisir de plus en plus de ce problème », remarque Hélène Berrué- Gaillard, mettant en avant l’avis conjoint des Académies, lequel pointe en particulier le manque, voire l’absence, de connaissance de « la majorité des professionnels de santé ». « Bien entendu, il ne s’agit pas de demander à tous les pharmaciens ou tous les médecins de connaître les 7 000 maladies rares, mais de créer un réflexe auprès d’eux », indique le docteur Yves Juillet, animateur du groupe de travail bi-académique. Lorsqu’un patient semble aux yeux de l’équipe de son officine en possible errance diagnostique, le pharmacien pourrait en parler avec ce patient, lui suggérer d’explorer cette piste. « À partir de là, il est possible de diriger [le patient] vers son médecin, en lui expliquant la possibilité qu’il soit face à une maladie rare, ou de l’informer sur l’existence de plateformes d’information comme Maladies Rares Info Services et son numéro vert », poursuit le médecin.

 

Culture du doute

« Il s’agit réellement de créer une culture du doute, dans le bon sens du terme, continue Hélène Berrué- Gaillard. Lorsqu’un médecin est face à une personne avec une pathologie depuis six mois ou un an sans avoir réussi à poser de diagnostic, il doit penser à l’adresser à un centre maladies rares. » Actuellement, d’après l’Alliance maladies rares, il existe 2 600 de ces sites en France, organisés en 23 filières et 19 plateformes d’expertise en régions, permettant un maillage territorial de l’offre de soins. Au-delà de la durée, l’apparition de marqueurs biologiques spécifiques (certaines des molécules dosées dans le sang ou les urines) sur des analyses classiques peut aussi mettre la puce à l’oreille des professionnels de santé. Si cette orientation n’est que le début de la solution pour les patients, elle est essentielle. « Dans l’officine où j’exerce, j’ai été confrontée à une patiente qui était en errance depuis environ quarante ans, avant que je ne l’adresse à un centre spécialisé », témoigne Hélène Berrué-Gaillard. Pour le grand public qui souhaiterait également se renseigner sur l’hypothèse d’une maladie rare pour un proche, il est également possible de composer le numéro vert de Maladies rares info services, au 0800 40 40 43 ou de se rendre sur le site www.maladiesraresinfo.org.

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