Début août, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertait sur les effets de la chaleur en Europe, y pointant plus 175000 décès par an (sur 489000 dans le monde) et relevant que la région Europe de l’OMS (qui s’étend jusqu’à l’Asie centrale) est celle qui se réchauffe le plus rapidement, « avec une vitesse environ deux fois supérieure au rythme moyen mondial ». Or, rappelle le directeur OMS pour la région, Hans Kluge, « les températures extrêmes exacerbent les maladies chroniques, notamment les maladies cardiovasculaires, respiratoires et cérébro-vasculaires, la santé mentale et les affections liées au diabète ».
Des variations de température hétérogènes
Les résultats de l’étude de modélisation parue dans The Lancet Public Health quelques semaines plus tard ne sont pas rassurants. Selon les chercheurs, le nombre de décès liés à la chaleur pourrait plus que tripler d’ici la fin du 21e siècle en raison du réchauffement climatique associé au vieillissement de la population. Ils se sont penchés sur les taux de décès liés tant au froid qu’à la chaleur entre 1991 et 2020 en Europe, avant de réaliser des projections selon plusieurs scénarios d’élévation moyenne de la température. Leur analyse montre en premier lieu que la situation européenne actuelle est surtout affectée par les basses températures : en 20 ans, 364000 décès liés au froid ont été enregistrés par an, contre près de 44000 liés à la chaleur. Avec, de façon logique, de grandes variations selon les régions d’Europe.
Mais selon les perspectives de l’étude de modélisation, le réchauffement climatique va, sans surprise, augmenter le nombre de décès liés à la chaleur et réduire ceux liés au froid. Les chercheurs soulignent cependant que les variations de température ne seront pas uniformes dans le monde. Selon les pays, il y aurait donc une augmentation des décès liés au froid (Pologne, Irlande, Scandinavie…) ou une baisse (Italie, Portugal…). En France, en tablant sur une augmentation moyenne de la température de 3°C, les auteurs de l’étude évaluent à 36018 le nombre de décès annuels liés au froid contre 31316 actuellement.
De nombreuses régions françaises impactées
A contrario, tous les pays seront touchés par une hausse des décès liés à la chaleur, avec là encore des impacts géographiques différents. En France, toujours sur la base d'une augmentation de 3°C de la température globale dans le monde, on passerait de 3061 décès liés à la chaleur aujourd’hui à 13564 en 2100, soit une incidence passant de 6,1 à 21,6 pour 100000 personnes. Les pays du sud de l'Europe seraient les plus touchés (Espagne, Italie, Croatie, Grèce), mais une carte prospective à 2050 dévoile des impacts importants dans de nombreuses régions françaises : seules les zones montagneuses, la Bretagne, la Normandie et le nord du pays seraient épargnés par l'augmentation des décès liés à la chaleur.
Globalement, les auteurs de l’étude estiment qu’un réchauffement climatique globale de 3 à 4°C va inverser la tendance : la chaleur tuera plus que le froid. « On s'attend à ce que le nombre de décès liés à la chaleur augmente considérablement à mesure que le climat se réchauffe et que les populations vieillissent, alors que les décès dus au froid ne diminuent que légèrement », explique l’auteur principal, David Garcia-Leon du centre de recherche de la Commission européenne à Séville (Espagne). Face aux fortes disparités régionales des effets du réchauffement climatique, les chercheurs plaident pour la mise en place de politiques locales et appellent les Etats à agir au plus vite sur l’aménagement du territoire et les normes de construction.