L’hyperémèse gravidique est une maladie qui concerne entre 1 et 5 % des femmes lors de leur grossesse. Les patientes atteintes par cette pathologie souffrent de nausées quasi permanentes et de vomissements violents, qui mènent fréquemment à une importante déshydratation et un état de dénutrition, associés à une grande fatigue. Du point de vue psychologique, l’hyperémèse gravidique a également de graves retentissements sur la femme enceinte qui se trouve handicapée dans son quotidien.
Une incompréhension sur l’origine de la maladie
En France, le traitement médicamenteux qui est généralement donné comporte des antiémétiques (et notamment des sétrons, à savoir des molécules que l’on utilise habituellement pour contrer les effets émétisants des chimiothérapies) mais aussi des antihistaminiques simples comme la doxylamine (qui a pour important effet indésirable la somnolence), associés à de la vitamine B6. En parallèle, la piste la plus fréquemment évoquée par les soignants sur l’origine de ces maux est celle d’un problème psychologique : il repose sur l’idée que la future maman « vomit son enfant », sous-entendant qu’elle exprime par ses symptômes un rejet de la grossesse et du bébé à naître… alors même que les femmes concernées assurent, elles, que leur grossesse était désirée.
Une hormone en cause
Une étude publiée le 13 décembre 2023 dans Nature vient définitivement chambouler la perception des causes de la maladie, contredire l’explication psychologique et mettre les chercheurs sur une nouvelle piste de traitement. Selon les experts qui ont travaillé sur le sujet au sein d’un consortium international, la coupable est une hormone, baptisée GDF15. Cette GDF15 n’est pas une molécule inconnue des chercheurs : on connaît son implication dans de nombreux processus biologiques tels que le contrôle de l’appétit et du poids. Elle intervient également dans le maintien d’une teneur anormalement élevée en fer dans le sang des personnes souffrant de thalassémie. A l’occasion de cette nouvelle publication, on apprend que la GDF15 est produite par le fœtus dès les premiers temps de la grossesse et que son taux est plus important quand on le dose chez les femmes enceintes qui souffrent de nausées que chez celles qui n’en ont pas.
Une question de dose
Plus intéressant encore, les experts ont pu démontrer que le taux de GDF15 présent dans le sang habituellement, c’est-à-dire hors grossesse, peut permettre de prédire si la femme souffrira ou non d’hyperémèse gravidique lorsqu’elle attendra un bébé. Ainsi, « cette nouvelle étude suggère que des niveaux plus faibles de GDF15 avant la grossesse conduisent à une hypersensibilité à l’hormone », précise Marlena Fejzo, du département d’obstétrique et de gynécologie de l’université de Californie du Sud et responsable de cette recherche. Lorsque le fœtus produit l’hormone en question, les patientes qui ne sont pas familières d’un taux élevé y réagissent fortement. Le fait de ne pas avoir un taux circulant de GDF15 élevé hors grossesse serait lié à une mutation génétique chez la patiente.
Des espoirs de médicaments
Ce lien entre hyperémèse gravidique et taux hormonal est donc à présent prouvé et il invalide l’approche psychologique du problème. De nouveaux travaux vont à présent commencer pour exploiter la compréhension du mécanisme de façon à en limiter les effets délétères. Il s’agira, par exemple, de repérer les femmes qui produisent naturellement peu de GDF15 pour leur en injecter régulièrement, à la façon d’une désensibilisation, lorsqu’elles auront un projet de grossesse. Il est aussi envisageable de mettre au point un médicament qui viendrait bloquer les récepteurs de la GDF15 sans les activer, pour limiter l’impact de la production de la molécule par le fœtus. Si ces solutions médicamenteuses sont très attendues, il est clair qu’elles ne seront malheureusement pas disponibles en pharmacie avant quelques années.