C’est une évolution de la législation qui aurait dû s’appliquer au 1er décembre 2024 mais qui a été repoussée de trois mois, à la demande des professionnels de santé dont les pharmaciens. Pour mieux cadrer l’accès de la population à deux molécules (codéine et tramadol) et limiter les risques de mésusages, l’Agence du médicament souhaite que leur prescription nécessite une ordonnance sécurisée au lieu d’une ordonnance classique. L’application de cette mesure a été décalée pour répondre aux craintes des soignants qui, à l’image de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), craignaient « de potentielles interruptions de prescriptions antalgiques, dont les effets peuvent être désastreux pour la prise en charge de la douleur », pénalisant ainsi « de nombreux patients ayant un besoin justifié de ces traitements », et pouvant même entraîner une hausse « des passages aux urgences, d’appels au Samu et d’hospitalisations précoces, ainsi qu’une sollicitation accrue des médecins traitants dans des situations d’urgence et une errance médicale des patients ».
Un historique de mesures successives
Si l’Agence du médicament (ANSM) a souhaité se doter d’une nouvelle législation concernant deux antidouleurs, c’est parce que leur utilisation en dehors des conditions prévues (posologie, durée de traitement…) avec ces médicaments potentiellement très addictifs est au cœur de l’actualité, notamment aux Etats-Unis où la « crise des opioïdes » a fait de très nombreuses victimes. L’Agence estime en effet que les différentes mesures prises depuis sept ans en France « n’ont pas permis de réduire suffisamment les mésusages associés à ces médicaments » et veut donc passer à la vitesse supérieure. Quelles sont justement ces mesures déjà prises ? Premièrement, depuis 2017, tous les médicaments contenant de la codéine sous soumis à prescription médicale, c’est-à-dire que leur vente sans ordonnance est interdite. Deuxièmement, depuis 2020, la durée maximale de prescription des spécialités contenant du tramadol a été abaissée à 3 mois. Troisièmement, il a été demandé aux industriels commercialisant ces dernières « la mise sur le marché de boîtes contenant moins de comprimés, adaptées aux traitements de courte durée, en complément des boîtes déjà disponibles ».
Ordonnances sécurisées et durée de traitement réduite
Mais comme ces mesures sont jugées insuffisamment efficaces, le gendarme du médicament a donc choisi d’imposer une contrainte supplémentaire, la nécessité de recourir à des ordonnances dites infalsifiables plutôt que celles, classiques, dont il est démontré qu’elles font l’objet de trafics. Ces ordonnances sécurisées, également appelées « protégées », ont plusieurs particularités telles qu’un filigrane représentant un caducée ou l’absence d’azurant optique au niveau du papier. En supplément, l’Agence a convenu d’un alignement de la durée maximale de prescription de la codéine sur celle du tramadol : ces médicaments ne pourront pas être prescrits plus de trois mois (12 semaines) sans nécessiter une nouvelle ordonnance sécurisée.
L’Agence française du Médicament dit travailler en parallèle « à la mise en place de mesures supplémentaires pour mieux informer les patients sur les risques de dépendances et de surdosage liés à ces médicaments ». Et envisage « notamment de demander aux laboratoires d’apposer des mentions d’alerte sur les boîtes de médicaments contenant du tramadol ou de la codéine ».