Toutes les rubriques / Conseils de pharmacien / Santé publique / Maladie de Lyme longue, la fin d’une polémique ?

Maladie de Lyme longue, la fin d’une polémique ?

Maladie de Lyme longue, la fin d’une polémique ?
Les dernières connaissances scientifiques viennent tordre définitivement le cou à la croyance selon laquelle une maladie de Lyme dite longue ou chronique se traiterait pas des antibiotiques au long cours.

Mise en sourdine par la pandémie de la Covid, la maladie de Lyme (également appelée borréliose de Lyme car elle est due à la bactérie Borrelia) est revenue sur le devant de la scène en février dernier, à l’occasion de la publication d’une nouvelle série de recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le sujet. Une campagne de sensibilisation nationale aux tiques et aux maladies associées est d’ailleurs prévue du 12 au 17 mai, notamment afin de mieux faire connaître au grand public cette maladie, sur laquelle de nombreuses idées reçues circulent encore.
A la différence de 2018, où les recommandations de la HAS avaient déclenché une bronca des sociétés savantes comme des associations de patients, celles de 2025 ont suscité un « consensus scientifique total », souligne Alice Raffetin, infectiologue à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) qui abrite l’un des cinq centres nationaux de référence des maladies vectorielles à tiques (CRMVT). Ce texte de la HAS a le mérite de faire « un point très complet sur les données scientifiques les plus récentes, et d’harmoniser la prise en charge des patients », indique l’infectiologue, qui a présidé le groupe de travail de la HAS. La grande nouveauté étant la présence d’un chapitre entier consacré au syndrome post-borréliose de Lyme traité (PTLDS, post-treatment Lyme disease syndrom). Ce PTLDS n’est pas une neuroborréliose (complication neurologique possible de Lyme), ni une forme articulaire, plus rare, de la maladie. Il ne consiste pas non plus en un Lyme long ou chronique, car la bactérie Borrelia ne persiste pas après traitement antibiotique correctement donné. De plus, aucune résistance de la bactérie aux antibiotiques n’a pour l’instant été observée.

Lyme comme déclencheur

Les patients atteints du PTLDS « présentent, après un diagnostic de maladie de Lyme et son traitement par antibiotiques, des symptômes non-spécifiques, c’est-à-dire des douleurs articulaires, musculaires, de la fatigue, avec des répercussions majeures sur leur vie quotidienne (difficulté à travailler, à s’occuper des enfants, impossibilité de pratiquer un sport…). Ce sont des symptômes pour lesquels on ne trouve aucun autre diagnostic par élimination, comme des maladies rhumatologiques, neurologiques ou auto-immunes, et qui durent plus de six mois », précise Alice Raffetin, qui estime qu’ils concernent 7 % des patients reçus dans le CRMVT qu’elle dirige. Dit autrement, ces symptômes font partie de la grande famille des syndromes fonctionnels post-infectieux, parfois également appelés bodily distress syndrom selon l’OMS, troubles somatiques fonctionnels (TSF) ou troubles somatoformes. Ils sont déclenchés par une infection qui n’est cependant pas la cause de ces troubles. Repérés et documentés depuis longtemps dans l’histoire de la médecine, « ils ne s’observent pas uniquement dans le cadre de l’infection post-Borrelia », note Benoît Jaulhac, directeur du Centre national de référence des Borrelia, et se remarquent aussi dans le post-Covid ou encore dans le cadre d’autres spécialités médicales comme la gastro-entérologie ou la neurologie. Encore mal connus et peu enseignés, les troubles somatiques fonctionnels sont une pathologie psychosomatique qui fait figure de parent pauvre de la médecine. La connaissance de ses mécanismes, encore balbutiante et sujette à débat, demande à être approfondie par la recherche.

Pas de recette magique

En effet, les avis des experts divergents à son sujet. Pour Éric Caumes, ancien infectiologue à l’Hôtel-Dieu (AP-HP) et auteur en 2021 de l’ouvrage « Maladie de Lyme, imposture ou réalité », que ces symptômes soient déclenchés par le Covid ou Borrelia, il n’y a pas de différences, il s’agit des mêmes types de troubles somatiques fonctionnels, qui répondent aux mêmes mécanismes d’action, et ne sont pas spécifiques à l’une ou l’autre infection. À l’inverse, d’autres scientifiques, disent noter, dans la façon dont s’expriment ces troubles, des particularités par type d’infection. « Par exemple, dans un PTLDS, on verra des fourmillements ou des douleurs articulaires, mais on ne constatera jamais l’essoufflement que l’on voit dans les symptômes prolongés de la Covid », avance Alice Raffetin. En attendant que le débat soit tranché, il n’empêche que ces syndromes fonctionnels, réels, provoquent une souffrance incontestable chez les patients et doivent être pris en charge. C’est sur ce point que France Lyme grince des dents. L’association de patients a bien salué la reconnaissance du PTLDS dans les recommandations de la HAS. Mais elle estime qu’en proposant pour seul traitement une prise en charge pluridisciplinaire, elle laisse les malades à l’abandon. Ce à quoi Alice Raffetin rétorque que « les études n’ont pas démontré l’efficacité des antibiothérapies au long cours ». L’infectiologue rappelle au passage que les ordonnances à rallonge prescrites par certains Lyme doctors « ne devraient jamais être délivrées. On voit dans les CRMVT 4-5 patients par an, des jeunes, qui pour le coup ont des séquelles à vie, non pas de la maladie de Lyme, mais de ces ordonnances ! » Elle observe par ailleurs que tous les malades touchés de près ou de loin par une suspicion de maladie de Lyme, ou en errance sur des symptômes persistants et inexpliqués, peuvent être reçus dans l’un des CRMVT. Dans le cas précis du PTLDS, ils pourront bénéficier d’une prise en charge « personnalisée qui s’articule entre accompagnement psychologique et réadaptation physique. In fine, parmi tous ces patients en errance médicale, 80 % de ceux que l’on voit n’ont pas réellement de maladie de Lyme, et les CRMVT permettent d’enfin poser le bon diagnostic et donc de proposer le bon traitement », conclut-elle.

 

Borrelia cache les autres

La bactérie Borrelia, transmise à l’homme par la morsure de tique du genre Ixodes Ricinus, est le pathogène le plus fréquemment transmis dans l’hémisphère nord. Mais d’autres maladies vectorielles à tiques existent telles les rickettsioses, la tularémie, la babésiose, etc.
La HAS les a recensées sous forme de fiches décrivant leurs signes cliniques afin d’aider les médecins à mieux détecter ces pathologies « d’une part parce que, certaines étant rares, elles ne sont pas bien diagnostiquées, et d’autre part parce que certaines sont émergentes, remarque Alice Raffetin, infectiologue à l’hôpital de Villeneuve-Saint- Georges (Val-de-Marne). C’est le cas de l’encéphalite à tiques dont il y a des cas tous les ans dans l’est de la France, ou de la fièvre hémorragique Crimée-Congo, dont aucun cas n’a encore été recensé sur le territoire. Mais on sait que la tique qui en est porteuse est installée dans le sud de la France. » Les recommandations de la HAS ont également apporté d’autres précisions, notamment sur les vecteurs de transmission de Borrelia. « À l’heure actuelle, il n’y a aucun élément dans l’analyse de la littérature pour dire qu’il y aurait un autre arthropode [espèce d’animal invertébré et articulé, NDLR] ou un autre insecte qu’Ixodes Ricinus qui transmette Borrelia. Même si d’autres espèces de tiques peuvent porter Borrelia, seules les tiques du genre Ixodes ont la capacité de permettre à la bactérie de se transformer puis de devenir infectieuse quand elle passe à l’homme », atteste Benoît Jaulhac, directeur du centre national de référence des Borrelia.

NOTABENE  
Les soignants doivent avoir en tête qu’« il existe plusieurs centaines d’espèces de tiques différentes mais que seule l’une d’entre elles, Ixodes Ricinus, transmet la maladie de Lyme lorsqu’elle en est porteuse, signale Éric Caumes, ancien infectiologue à l’Hôtel-Dieu (AP-HP). Même dans ce cas, elle ne transmet pas toujours la maladie. Enfin, si la maladie est transmise, il est possible d’être infecté sans être malade. » Par ailleurs, dans « 80 à 90 % des cas de maladie de Lyme qui se déclarent, un érythème migrant [plaque rouge indolore autour de la piqûre, s’étendant rapidement, NDLR] apparaît », relève Alice Raffetin, infectiologue à l’Hôpital de Villeneuve- Saint-Georges (Val-de- Marne).   
On peut lire dans les recommandations de la HAS du 18 février 2025 sur la borréliose de Lyme : « Le risque de transmission à l’homme d’un pathogène responsable d’une maladie, à l’occasion d’une piqûre de tique, est faible (1 à 4 %) et dépend du temps d’attachement de la tique à la peau, de facteurs propres à la tique et de facteurs propres à l’individu. »  
 

Publications Similaires