La Croix-Rouge française vient de rendre public son rapport intitulé « Notre santé menacée : comment la proximité peut tout changer ». Ce travail, effectué en collaboration avec le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et s’appuyant sur de nombreuses données et témoignages d’acteurs de terrain, mais aussi sur un sondage Opinionway pour la Croix-Rouge, dresse un bilan contrasté de la santé des Français aujourd’hui.
Un bilan de santé contrasté
D’un côté, ces dernières décennies, la santé des Français s’est considérablement améliorée sur de nombreux critères, comme l’espérance de vie en bonne santé qui a progressé (de 11 mois chez les hommes et 7 mois chez les femmes entre 2005 et 2022, INSEE 2024) ou la consommation d’alcool et de substances psychoactives chez les ados qui elle a nettement diminué depuis 2020 (OFDT 2021).
Mais au-delà de ces constats positifs, le rapport confirme que « l’accès à la prévention et aux soins de proximité et de qualité devient de plus en plus difficile pour les Français, particulièrement pour les plus isolés et vulnérables ».
Des difficultés de prise en charge en ville…
Quelques chiffres sont particulièrement éloquents sur la difficulté à se faire soigner en raison notamment de la présence de déserts médicaux. Ainsi, 1 Français sur 3 a renoncé à des soins en 2024, nous apprend le sondage Opinionway pour la Croix-Rouge, réalisé en ligne du 22 au 29 novembre 2024 auprès d’un échantillon de 1044 personnes, représentatif de la population française de 18 ans et plus. Autre donnée qui interpelle : 44% des Français estiment vivre dans un désert médical et près d’1 habitant sur 2 rencontre des difficultés pour obtenir un rendez-vous médical dans les communes rurales, selon ce même sondage.
… et des urgences saturées
Par ailleurs, le nombre de prises en charge aux urgences ont doublé entre 1996 et 2021, passant de 10 à 20 millions par an (Rapport de la Dress « éclairer la situation du service des urgences » publié le 21 mai 2024). Et ce n’est pas une bonne nouvelle, puisque cette explosion des chiffres reflète en fait elle aussi la réalité des déserts médicaux en France, les personnes se tournant de plus en plus vers les urgences les plus proches, faute de rendez-vous en ville. Pourtant, beaucoup d’entre elles n’ont pas forcément besoin d’une prise en charge immédiate. En effet, selon un rapport de la Cour des comptes, 20 % des patients aux urgences hospitalières devraient privilégier une autre structure. Signe d’une saturation des urgences, le temps d’intervention des secours a augmenté, passant de 12,30 minutes en 2014 à 14,48 minutes en 2023 (statistiques des Sdis 2023/Sécurité civile/Ministère de l’Intérieur).
La santé mentale en souffrance elle aussi
La santé physique des personnes n’est pas la seule à pâtir des difficultés d’accès aux soins sur le territoire et des déserts médicaux : le sondage Opinionway pour la Croix-Rouge révèle en effet que plus d’un quart des Français (28 %) estiment que leur santé mentale est moyenne ou mauvaise. Et « les inégalités socio-économiques représentent un véritable accélérateur de vulnérabilités », estime le rapport qui note que « les femmes, les jeunes, les parents et les foyers les plus modestes sont les catégories de populations les plus fragiles ».
Quelques solutions imaginées par la Croix-Rouge
Face à ces données préoccupantes sur la précarisation de la santé des Français, la Croix-Rouge a émis dans son rapport plusieurs « propositions concrètes et déployables », selon les termes de l’association aux 75 000 bénévoles (et 17500 salariés), pour essayer d’améliorer la situation.
Par exemple, « encourager et permettre à chacun de devenir citoyen sauveteur en formant 80 % de la population aux gestes et aux comportements qui sauvent dès le plus jeune âge ». La Croix-Rouge propose d’ailleurs de permettre que les Français puissent notamment utiliser leur compte personnel de formation (CPF) pour effectuer ces formations aux premiers secours.
Autre suggestion de l’association : déployer « des unités mobiles de santé dans les déserts médicaux » afin de « rendre le droit d’accès à la santé effectif et inconditionnel dès le premier kilomètre », imagine l’association.
Elle propose également de « faire de la santé mentale l’affaire de tous » à travers « un investissement massif dans des politiques publiques, des accompagnements particuliers pour les jeunes, l’instauration automatique d’un soutien psychologique pendant et après les crises individuelles et collectives ». Concrètement, pour favoriser cela, la Croix-Rouge souhaite que le plus grand nombre puisse bénéficier d’une formation courte en santé mentale afin que la plupart des citoyens sachent mieux réagir face à une personne montrant des signes de détresse, et mieux l’aider et l’orienter si besoin vers une prise en charge adaptée.
