Homologué aux Etats-Unis depuis 2003 et en Europe depuis 2011, disponible notamment au Royaume-Uni où il est massivement utilisé, le seul vaccin antigrippal administré par voie nasale indiqué chez les 2-18 ans, Fluenz, n’est pas commercialisé en France. Au grand dam des pédiatres et autres professionnels de santé. Ils soulignent l’incohérence de cette indisponibilité avec la nouvelle stratégie vaccinale antigrippale mise en place par les autorités de santé en 2023, qui élargit la population cible aux enfants et adolescents, qu’ils présentent ou non des comorbidités.
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et la Commission de la transparence (CT) ont pourtant émis un avis favorable à son remboursement, d’abord en 2011 et 2012 concernant la version trivalente, à nouveau en 2014 et 2015 lors du passage à quatre valences, mais sa prise en charge, limitée aux seuls établissements de santé, n’a pas favorisé son déploiement.
En octobre 2020, en pleine 2e vague Covid, pour faire face à un risque de co-infection et tenter d’épargner les services hospitaliers, la France a renforcé sa stratégie vaccinale en ciblant aussi les enfants à risque et en mettant à disposition un stock Etat de quatre vaccins grippe dont… 300000 doses de Fluenz importées, initialement destinées au Royaume-Uni. Mais ce vaccin vivant atténué a de nouveau disparu des radars lors de la campagne vaccinale suivante.
Pas de piqûre
C’est donc en 2023 qu’une petite révolution se produit. Le 2 février, la Haute Autorité de santé (HAS) modifie la stratégie vaccinale contre la grippe en élargissant la population cible à tous les enfants et adolescents de 2 à 18 ans, y compris sans comorbidité donc. Un avis qu’elle a assorti d’une recommandation d’utilisation préférentielle de Fluenz – si ce vaccin venait à être enfin commercialisé en France – en raison de sa « meilleure acceptabilité » puisqu’il ne nécessite pas de piqûre.
Dans ce contexte, le laboratoire AstraZeneca a renouvelé sa demande de prise en charge tant en établissements de santé qu’en ville et demandé une réévaluation à la hausse de l’amélioration du service médical rendu (ASMR). De cette notation qui évalue le progrès thérapeutique d’un produit pharmaceutique, comprise entre I (majeure) et V (inexistante), dépend la négociation de son prix entre le fabricant et l’Etat français. Si la CT et la HAS ont émis, pour la 4e fois, un avis favorable au remboursement, elles n’ont pas relevé l’ASMR, toujours noté V. En pratique, seul le remboursement des vaccins antigrippaux injectables a été étendu aux 2-18 ans.
Retour des trois valences
Résultat : « Nous n’avons, à notre grand regret et contrairement à beaucoup de nos voisins européens, pas vu apparaître ce vaccin sur le marché français. Ceci a été préjudiciable, vu la sévérité de l’épidémie grippale sur la saison 2024-2025, très largement supérieure aux trois années précédentes », déplore un collectif réunissant 20 sociétés pédiatriques et 91 associations de patients dans un communiqué du 15 avril 2025, également signé par de nombreuses organisations de professionnels de santé (pharmaciens, médecins généralistes et spécialistes, infirmiers, dentistes…). D’autant, affirme-t-il, que Fluenz bénéficie d’un recul de plus de 20 ans, « avec plus de 199 millions de doses administrées dans 34 pays ».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ayant préconisé en mars 2024 que les vaccins antigrippaux ne soient plus quadrivalents mais trivalents, l’une des souches du virus ne circulant plus depuis 2020, les laboratoires ont revu la composition de leurs produits en conséquence et demandé une nouvelle homologation européenne. Ce que Fluenz a décroché le 3 juin 2024, déclenchant une réévaluation des autorités françaises. Respectivement en décembre 2024 pour la HAS et en mars dernier pour la CT, les instances ont validé la composition de Fluenz sans faire évoluer leur avis, toujours favorable au remboursement avec une ASMR V.
Auto-administration
Pour le collectif de professionnels de santé et de patients, c’est « l’incompréhension » car il n’est tenu compte ni de la « meilleure acceptabilité chez l’enfant » de Fluenz, ni de « son efficacité vaccinale et sa supériorité (…) démontrée par rapport aux vaccins injectables », ni de « son probable impact positif sur la couverture vaccinale, confirmé en Finlande et au Royaume-Uni ». Rappelant que « les enfants et les adolescents jouent un rôle clé dans la transmission du virus grippal » et que leur vaccination permet de « protéger leur entourage », le collectif demande à son tour une révision de l’ASMR à la hausse de façon à « assurer la mise à disposition du vaccin nasal trivalent dans les plus brefs délais ».
Plus globalement, il appelle à se préparer à la saison grippale 2025-2026 : « La prochaine campagne ne saurait se dérouler sans une approche adaptée à une protection efficace des enfants et de leur entourage. » Selon la HAS, 13 millions d’enfants et d’adolescents sont concernés dans l’Hexagone.
Pendant que la France tergiverse, les Etats-Unis ont approuvé le 20 septembre dernier une version de FluMist (nom de marque de Fluenz en Amérique du Nord) que le patient peut s’auto-administrer. Outre-Atlantique, ce vaccin n’est pas seulement pédiatrique puisqu’il est indiqué chez les personnes de 2 à 49 ans.
L’agence du médicament américaine (FDA) précise que cette variante adaptée à l’auto-administration, qui sera disponible pour la saison grippale 2025-2026, devra continuer à être administrée par un soignant chez les patients de 2 à 18 ans, ainsi que chez les adultes qui le souhaitent. Une prescription reste nécessaire pour l’obtention de FluMist, mais le fabricant a annoncé une mise à disposition prochaine auprès de pharmacies en ligne. Les personnes souhaitant recevoir le vaccin à domicile devront remplir un formulaire d’éligibilité qui devra être validé par le pharmacien avant envoi.