Toutes les rubriques / Maladies / Cancers / Cancer du poumon : vers un dépistage systématique pour les fumeurs ?

Cancer du poumon : vers un dépistage systématique pour les fumeurs ?

Cancer du poumon : vers un dépistage systématique
Un programme pilote de dépistage à large échelle du cancer du poumon pourrait bientôt être mis en place.

Le cancer du poumon est l’une des maladies qui entraînent le plus de décès chaque année en France, soit plus de 33 000. Pourquoi ? D’abord parce qu’il est souvent diagnostiqué trop tardivement, mais également parce qu’il est l’un des cancers de plus mauvais pronostic, avec un taux de survie global à 5 ans de seulement 20 %, alors que huit malades sur dix sont toujours vivants 10 ans plus tard s’ils ont pu être opérés à temps. Chez l’homme de 45 à 64 ans, il est la première cause de décès, toutes causes confondues. Chez la femme, ce cancer progresse par ailleurs fortement ces dernières années, en grande partie à cause de l’augmentation continue du tabagisme au sein de la population féminine. Car c’est bien le tabac qui est largement corrélé au risque de développer ce type de cancer. Dans les faits, 8 cancers du poumon sur 10 lui sont imputés.

A l’instar des dépistages de routine mis en place pour le cancer du sein et le cancer colorectal, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande que soit désormais développé en France un programme de dépistage du cancer du poumon.

 

Dépister les risques dans une population apparemment en bonne santé

En 2016, la HAS avait passé en revue les études et considéré que les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité pour la mise en place du dépistage du cancer broncho-pulmonaire n’étaient pas réunies. En mars 2021, l’Académie nationale de médecine avait elle-aussi jugé « qu’il était encore prématuré de recommander l'utilisation du scanner thoracique faible dose dans le cadre d'un dépistage organisé du cancer du poumon » ; un avis qui avait déclenché des critiques et des questionnements au sein de la communauté scientifique. En effet, la même année, trois sociétés savantes (la Société de pneumologie de langue française, l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique et la Société d’imagerie thoracique) avaient édité des recommandations pour un dépistage indivuduel, ciblé sur la population à risque, soit les individus de 50 ans à 74 ans, gros fumeurs ou ex-fumeurs ayant arrêté depuis moins de dix ans. Ces recommandations s’appuyaient notamment sur les résultats d’études comme celle, néerlando-belge baptisée Nelson, qui montrait sur 10 ans une réduction significative de la mortalité par cancer du poumon au sein de cette population ciblée et intégrée dans le processus de dépistage systématique.

Un changement de principe

Aujourd’hui, la HAS a ainsi décidé de revoir sa position : l’analyse de nouvelles données a poussé les experts de cette institution à considérer que le dépistage par scanner à faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac conduirait à une réduction de la mortalité spécifique. La HAS appelle donc de ses vœux, dans un avis du 1er février, la mise en place d’expérimentations en vie réelle, et notamment d’un programme pilote conduit par l'Institut national du cancer (INCA) afin d’aller vers ce type de dépistage.

Il consisterait en la réalisation d’un scanner thoracique à faible dose sans injection, également appelé tomodensitométrie. En cas d’anomalie détectée à l’imagerie, le bilan diagnostic comporterait l’examen clinique, des examens complémentaires d’imagerie ou de médecine nucléaire et une biopsie de l’éventuelle tumeur.

La mise sur pied d’un programme pilote permettrait de poser les premiers jalons d’un dépistage qui serait à terme élargi au niveau national. Il servirait à définir précisément la population cible, la quantification du tabagisme chez les fumeurs, la façon d’inclure ou non les ex-fumeurs voire les fumeurs passifs dans la procédure, la définition des différents nodules pulmonaires, l’articulation à mettre en place entre dépistage et sevrage tabagique…

L’objectif est bien de détecter les personnes qui, dans une population apparemment en bonne santé, présentent un risque supérieur de développer cette pathologie grave afin qu’un traitement puisse être mis en place précocement. La HAS considère que l’on pourrait ainsi observer une diminution significative de la mortalité spécifique de ce cancer, de l’ordre de 5 vies sauvées pour 1000 personnes dépistées.

 

Une balance bénéfice-risque à estimer

La HAS souligne toutefois que les résultats positifs des études sur la réduction de la mortalité spécifique et du taux de détection des cancers à un stade avancé ne doivent pas faire oublier les potentiels effets délétères d’un dépistage généralisé susceptible de mener à un « surdiagnostic ». On parle de surdiagnostic lorsque le dépistage entraîne par exemple la mise en évidence de lésions cancéreuses indolentes qui n’auraient pas évolué ou de cancers qui ne seraient jamais devenus symptomatiques. La détection de faux positifs peut en outre générer une anxiété et provoquer la mise en place d’examens complémentaires ou de traitements provoquant des risques accrus de complications. La HAS précise donc que l’ensemble de ces données sont à confirmer par des études complémentaires, selon des modalités de dépistage en adéquation avec le système de soins français.

Publications Similaires